Ce qu’on n’attendait plus # 2

Toulouse. 8 décembre 2018.

De quoi se compose l’émeute ? De rien et de tout. D’une électricité dégagée peu à peu, d’une flamme subitement jaillie, d’une force qui erre, d’un souffle qui passe. Ce souffle rencontre des têtes qui pensent, des cerveaux qui rêvent, des âmes qui souffrent, des passions qui brûlent, des misères qui hurlent et les emportent. (V. Hugo).

C’était à prévoir. La répression s’intensifie au fur et à mesure que s’éclaircissent les revendications. Car ce n’est plus d’une baisse des taxes dont il est question désormais, mais d’une éviction pure et simple des gouvernants. La bastonnade de Mehdi dans un McDo de Grenoble et l’humiliation des 150 lycéens de Mantes-La-Jolie a été pour beaucoup dans la croissance exponentielle de colère de cette semaine.

A Toulouse, depuis quelques jours, les étudiants mettent le sbeul faubourg Saint-Cyp’. Le rassemblement pour le climat à Arnaud Ben’s ce jour constitue un bon point d’ancrage pour repousser une gueulante. Certaines rues sont filtrées par les flics à la recherche de tout ce qui pourra nous soulager lorsqu’ils gazeront dans la joie et la bonne humeur. Cela dit, vu qu’en même temps un rassemblement national (bouh, le vilain mot) est prévu à Paris le même jour, les forces de répression se retrouvent partiellement à poil pour gérer les entrées.

Arrivés sur la place, en direction du boulevard d’Arcole, l’avenue est bouchée par des fourgons de la gendarmerie. Du coup tout le monde partira vers la place Héraklès. A peine cent mètres parcourus, les premières lacrymos fusent, sans raison. L’objectif est simple, la répression et le désir de matraquer, évidents. C’est la panique devant Compans et ceux qui se sont fait confisquer les masques sont bons pour un sacré récurage des poumons. Le cortège est stoppé un bon moment. Réfugiés dans la rue du Canon d’Arcole, on attend que passe le nuage. Mais le gazage persiste et les grenades de désencerclement pètent devant le jardin japonais. Pendant ce temps, les fourgons qu’on avait derrière nous se sont avancé pour nasser ceux qui ne les ont pas vus arriver. En attendant que ça passe, on se réfugie sous un porche avec des réunionais qui nous dressent un portrait peu flatteur de l’île. Des tarifs exorbitants, pas de boulot, c’est la merde comme à la métropole. Pendant ce temps le cortège a avancé et les flics arrivent désormais place Héraklès.

Sentant la situation confuse et problématique, on tente de faire le tour pour rejoindre l’autre troupe à Saint-Cyp’. Arrivé place Saint-Pierre, c’est l’extase. Le pont est noir de monde, idem pour le Pont-Neuf et celui des Catalans. La convergence aura lieu à Charles-de-Fitte mais les flics font le pet à l’entrèe du pont des catalans. Le chantier en face des abattoirs est démonté pour en dresser une barricade qui bouchera l’avenue. Lobjectif est de stopper l’avancée de la flicaille et de protéger les manifestants des tirs de lacrymos. Un feu est également allumé, offrant une teinte orangée sur cette moche trouée. L’avancée est neutralisée. On s’octroie un peu de repos et de détente. Le ressentiment à l’égard des forces de répression va grandissant, poussant les gens à durcir le ton pour essayer de faire entendre leur voix. Juste pour faire chier, un autre feu est allumé à l’entrée du tunnel souterrain. Le stand-by est de mise sous la surveillance des hélicos qui tournent au-dessus de nos têtes. La nuit promettra d’être chaude…