Des molards et du mépris

On continue encore et toujours à détester la police. On prend le cortège au vol pour se rendre compte sur Alsace-Lorraine que des K-Way noirs semblent être de retour dans le défilé. Les slogans qui résonnent ne trompent pas, eux qui avaient plus ou moins disparu du cortège ces derniers temps. Du coup, ça remet un peu de peps dans la manif. Pour une fois, le défilé laisse Primark tranquille et remonte en direction de la rue Bayard pour une tentative de redite de la semaine dernière lorsque la gare avait été envahie. Mais au bout de la rue, les forces de répression attendent comme des toutous, bloquant l’accès à Matabiau. L’épreuve de force débute et, au bout de la deuxième sommation les flics balancent les gaz rue Bayard. Une partie du cortège tente une sortie rue Agathoise, très rapidement arrosée de lacrymo.

Quelques minutes plus tard, le défilé s’est réorganisé sur Jeanne d’Arc avant de repartir vers Jean-Jaurès puis Wilson. Devant nous des voltigeurs s’engouffrent par la rue Saint-Antoine du T. On prend la même rue et on chante au milieu des badauds qui n’abandonnent pas une occasion d’aller claquer leur salaire dans des merdes qui ne serviront qu’une fois. Après avoir un peu tergiversé, on débouche rue de Metz par la rue Boulbonne. Devant le parvis de la cathédrale, un blindé défend les privilégié.e.s pendant que nous tentons de conserver les quelques miettes qui nous restent. Mais les armes ne sont que d’un seul côté et ceux qui les tiennent s’en servent sans distinction. Après trois lancers de peinture contre le blindé, la riposte est incroyable de violence. Les premières grenades sont balancées directement dans les pieds des manifestant.e.s et, très rapidement, une fumée dense envahit la rue de Metz. La panique est totale, ça tousse, ça pleure et ça marche au radar pour essayer de s’extirper de ce brouillard toxique. Une porte cochère s’ouvre et on est une dizaine à s’y engouffrer pour chercher un peu d’air. Au quatrième étage on souffle un peu. Les marches sont jonchées de crachats, ceux que nous n’avons pas pu nous empêcher de balancer, matérialisant tout le mépris que l’on a de cet État capitaliste que nous conchions jour après jour, week-end après week-end. Paradoxalement il y a aussi une certaine jouissance à pouvoir se lâcher dans cet immeuble bourgeois, surtout qu’aucune porte ne s’est ouverte pour nous venir en aide. Seul.e.s les médics viendront jusqu’à nous pour tenter d’apaiser nos brûlures.

Presque un an d’émeutes et de manifs n’ont pas réussi à avoir raison d’un état qui a fait de la violence son mode principal de gouvernance. Les prochaines n’auront vraisemblablement pas davantage d’impact mais toutes ces mobilisations ont au moins le mérite de nous permettre d’ouvrir quelques brèches, de nous organiser différemment, de nous donner à penser que le système qu’on nous sert n’est plus inéluctable malgré ce que l’on voulait nous faire croire. Le chemin est encore long mais, entraver de quelque manière que ce soit le bon fonctionnement d’une économie qui laisse une grande majorité d’entre nous sur le carreau, cela n’a pas de prix.