Ce qu’on n’attendait plus # 14

La semaine dernière, la pluie avait calmé les ardeurs. Le soleil de ce samedi les aura ravivées. La météo mais aussi la toute fraîche adoption de la loi anti-casseurs qui fait entrer la sacro-sainte République française dans le cercle assez poreux des nations à forte teneur autoritaire.

Les Gilets jaunes se devaient d’être là pour notamment montrer qu’aucune loi ne les empêcherait de fouler le pavé et de contester l’inique qui caractérise la politique du gouvernement de Macron depuis plus d’un an. Du coup, la répression a commencé très tôt dans la matinée. Les allées Jean-Jaurès sont déjà empuanties de lacrymo balancée par les condés aux alentours de midi. Nassé avant le croisement, le cortège s’était fait disperser dans les environs de Belfort et de Saint-Aubin. Lorsqu’on rejoint la troupe à Alsace-Lorraine, ça a déjà pété à Jeanne d’Arc. L’objectif est clair : cantonner les manifestants sur les boulevards et bloquer l’accès au centre. Mais la dispersion provoquée a ouvert plusieurs fronts que les forces de répression peinent à maîtriser.

Sur Alsace-Lorraine, le gazage est massif. Une partie du cortège reflue vers Victor-Hugo en attendant de trouver une porte de sortie. L’accès direct vers Jeanne d’Arc est bloqué mais un contournement nous permet d’atteindre la foule amassée sur la place devant la statue remise en place par la mairie dans la semaine. On se fait face avec les flics. A l’entrée de Bellegarde, une fumée noire s’élève. De là où je suis je ne vois pas ce qui brûle mais ça a l’air sérieux. On repart vers Wilson où une importante partie des manifestants est massée sur les allées Roosevelt. L’ambiance y est bon enfant, une sono balance sa techno mais on sent que ça va être de courte durée. Les premières grenades volent dans tous les sens, sur la gueule des manifestants et des simples badauds. Mais on ne s’éloigne pas. Progressivement on réinvestit la place avant que les baqueux ne changent de tactique en effectuant une charge. Un premier temps les GJ battent en retraite avant de contre attaquer. Les CRS planqués derrière n’ont plus d’autre choix que de rebalancer les lacrymos.

On continue à jouer aux résistants et aux miliciens. La dispersion est effective dans tous les sens. En direction de Saint-Georges, on fait une petite halte pour appâter le bourgeois qui sirote son mojito à l’ombre des platanes. Un peu plus loin, on essaie de rejoindre la troupe sur les allées Verdier. Place Occitane, un CRS nous voit et nous intime, LBD en main, l’ordre de refluer de là d’où on vient. Les escaliers sont bloqués mais comme les condés n’ont pas l’air d’être du coin, on prend la petite rampe latérale qui nous propulse sur le boulevard Carnot où se joue un remake de la 7eme compagnie. Le canon à eau est tout de guingois, planté dans le terre-plein herbeux du boulevard, provoquant l’hilarité de tous. De part et d’autre, les agences immo n’ayant pas pris leur précaution ont pris la marée pendant que les poubelles et les sucettes de pubs offrent un nouveau design d’éclairage urbain.

A l’entrée de la Colombette, on reprend des gaz. La BAC allume toute la rue avec ses merdes, obligeant certains à se réfugier dans les cours d’immeuble, pas toujours friendly. Pendant ce temps ça s’organise sur le boulevard Carnot. Une poubelle prend feu en travers de la route pendant que certains entament une danse du feu. On s’échappe rue Castellane avant d’être gazé par la BAC.

On en est encore à cracher nos poumons que, déjà, les échos parlent de victimes de flash ball par dizaines et d’une quarantaine d’arrestations [1].

P.-S.

Merci à Seb pour les photos.

[1] On parle également d’une main arrachée mais l’info n’a pu être vérifiée.

La double lame en marche

On aurait pu croire que la violence des événements derniers occasionnerait sinon un peu d’empathie chez les parlementaires, du moins l’envie de ne pas ajouter d’huile sur le feu. Mais on est toujours surpris par leur capacité d’adaptation. Dans la foulée de l’escalade répréssive de samedi dernier, Arnaud Viala (député de l’Aveyron, Maire de Vézins de Lévezou et conseiller au rectorat de Toulouse) en a profité pour proposer le 20 mars dernier un projet de loi visant à supprimer le revenu de solidarité active (RSA) aux personnes ayant participé à un attroupement.

« Il faut priver du revenu de solidarité active (RSA), prévu à l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles, des « casseurs » qui en sont bénéficiaires, et ce, en raison de leur participation (armée ou non) à un attroupement, de leur participation armée à une manifestation ou réunion publique autorisée ou de la provocation directe à un attroupement armé ».

La double lame, donc, pour ceux ayant osé défier le gouvernement. Les parlementaires font dans la surenchère répressive pour museler toute velléité de contestation et inciter ceux qui sont en colère à rester chez eux sous peine de se voir privés des trois brouzoufs qui leur reste. Le projet n’a pas encore été soumis au vote mais, étant donné l’ambiance générale au sein de la majorité présidentielle qui a déjà acté une proposition de loi provenant de ces mêmes Républicains (loi anticasseurs), sa promulgation ne devrait pas poser trop de problème.

Action médiatique enseignant.e.s

[Communiqué des enseignant·es en grève]

Service public d’éducation en danger: action et grève des enseignant.e.s mardi 26 mars à Toulouse

Suite à l’action de mardi 19/03 durant laquelle environ 150 enseignant.es ont bloqué le rectorat de Toulouse, suite à l’indignation d’une très large majorité de la profession, et bien au delà, devant
les violences policières injustifiables et inacceptables dont ont été victimes nos collègues, les personnels de l’éducation réunis en AG ont décidé:
• Une nouvelle journée de grève le mardi 26/03 prochain.
• Une action d’occupation médiatique dont le RDV est fixé à 12h au métro Jean Jaurès.
Les objectifs de cette action sur un jour de grève sont de défendre le service public d’éducation et de dénoncer la violence policière subie par les collègues devant le rectorat. La presse est la
bienvenue !
Les revendications sont les suivantes:
– Embauche de personnels titulaires à hauteur des besoins.
– Titularisation de tous les personnels précaires travaillant au sein de l’éducation nationale.
– Retrait de la réforme du lycée.
– retrait de « parcoursup » et de la sélection à l’université.
– annulation du projet de loi sur la confiance.
Nous demanderons par ailleurs des comptes à notre rectrice qui semble justifier l’agression inouïe subie par nos collègues en indiquant que ce sont « les agissements d’une minorité de manifestants qui n’ont pas souhaité privilégier le dialogue ».
Ensemble, nous avons décidé ce blocage, ensemble nous poursuivons notre action mardi 26 prochain!

La commission action de l’AG des grévistes de l’éducation, relayé par les syndicats. »

Appel à solidarité squat Saint-Pierre

C’est désormais officiel. En 2019 en France, le droit de propriété prime sur les droits humains. Le 12 mars, la flicaille et quelques affidés des métiers du bâtiment sont intervenus au squat du quai Saint-Pierre pour prendre des photos des lieux mais aussi couper l’électricité aux occupants. On sait pas trop l’objectif si ce n’est ajouter encore plus de misère à ceux qui y sont déjà jusqu’au cou et, accessoirement, anticiper la fin de la trêve hivernale qui devrait remettre à la rue la centaine d’occupants du squat qui devront chercher à se reloger. En attendant, le squat lance un appel aux dons. Plus de détail sur IAATA.

Ce qu’on n’attendait plus # 13

(Re)devenir une menace.

Les nerfs un peu à vif depuis l’attaque du cortège par les fafs la semaine dernière. Les jours précédant le rendez-vous de samedi ont été l’occasion de mises aux points, d’éclaircissement sur nos positions, sur ce qu’on voulait au sein du cortège, ce que l’on ne voulait surtout pas. Rien de mieux donc pour se resserrer autour de quelques chants pour réaffirmer tout ça, démontrer que nous sommes là et que l’extrême droite ne sera jamais la bienvenue. Quelques aventurier.e.s de cette extrême en feront les frais vers Alsace-Lorraine (la Dissidence française, aperçue un peu plus tôt le matin vers les Carmes) mais aussi boulevard de Strasbourg un peu plus tard. Ne pas faire de fixation mais être vigilant.e.s. Toujours.

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Soutien aux prisonniers

La Défense Collective a mis en ligne une page spéciale pour soutenir les prisonniers incarcérés à Seysses suite aux dernières édition des Gilets Jaunes. Tous les détails au bout de ce lien.

Ce qu’on n’attendait plus # 11

Le message derrière la cible.

Avec leurs vitrines parées de planches de bois, les banques n’ont jamais été aussi séduisantes. En deux mois, elles sont devenues les dazibao de la révolte populaire, sur lesquels chacun laisse son message et agrémente de haikus urbains ce qui n’est déjà plus une jacquerie.

C’est désormais officiel : les samedis sont devenus les rendez-vous de l’émeute et personne ne semble s’imaginer être ailleurs. A la forte décompression que l’on nous prédisait avant les fêtes succède une mobilisation toujours croissante et un enthousiasme encore plus débordant à Toulouse depuis que Jean-Luc Moudenc, maire de la ville, a décidé de donner son avis sur la question. Cela a commencé par une immersion de 10 mn au coeur des casseurs durant laquelle il a dressé le constat d’une communion des « extrêmes », mettant à mal des décennies de recherche sociologique sur le sujet. Il a continué en cédant aux demandes de son grand ami Bouscatel (le fils de l’ancien président du Stade toulousain) pour exonérer de charges les commerçants sur le dos des Gilets jaunes. Paternaliste, il a tout de même fait un geste envers ces derniers en leur offrant une salle municipale pour se réunir au lieu de déambuler dans les rues le samedi, et demandé à ce que les manifs soient le dimanche pour ne pas freiner l’activité économique. En gros, allez jouer dans la chambre pendant que les grandes personnes travaillent.

L’exemple de Moudenc n’est pas unique. Il illustre bien l’impasse dans laquelle se trouvent les édiles politiques pour régler une affaire dont chaque samedi nous révèle une ampleur insoupçonnée, usant de tous les moyens légaux et illégaux pour y parvenir. Après la répression féroce qui s’exerce tous les week-ends, la boucherie judiciaire qui lui succède, il ne manquait plus que celui de la division avec la création d’une liste GJ aux Européennes. Et tant pis si, à sa tête, on trouve une macronienne qui noyautera le mouvement et l’esprit à la première occasion. Plus c’est gros, plus ça devrait passer, ceci sans même parler du téléguidage d’une manifestation pro-gouvernementale qui a du recevoir l’aide inconditionnelle des médias pour gonfler les chiffres d’une faible mobilisation.

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Ce qu’on n’attendait plus # 10

L’odeur de l’émeute. Retour sur l’acte X.

L’émeute : une odeur de brûlé sur un air de fête. L’espace de quelques heures, à Toulouse, on a nos Champs-Elysées. Vers 20.00, le boulevard de Strasbourg s’est transformé en esplanade où l’on peut flâner, déambuler entre les barricades sur un tapis de verre, résidus futiles des abribus détruits par la bourrasque populaire. Des gamin.e.s improvisent un barbecue sur un caddie au milieu de l’avenue pendant qu’au croisement de Jean-Jaurès, une importante assemblée débriefe les faits de la journée à la chaleur des derniers feux de poubelle. Au loin, vers Marengo, l’hélico de la GN traque encore les derniers points chauds au bout de son faisceau de mort pendant que, parfois, les voitures de flics remontent le boulevard, ne sachant plus où donner du tonfa.

Tout a commencé dans le calme et la quiétude, mais dans une détermination totale. Après la jonction avec la manifestation syndicale et la concentration d’Act Up, le cortège quitte le boulevard pour le centre ville. Etriqué dans les rues d’Arnaud Bernard, le fleuve des Gilets Jaunes fait son lit dans les ruelles avant de se jeter sur un Capitole qui a revêtu ses atours de gala. La façade est taggé d’un joli « On va faire un effort », tandis qu’un autre sur la porte exhorte Moudenc à nous laisser entrer. Un peu plus loin, rue de Metz, l’arrivée de l’hélico déchaîne acclamations neuveuses, comme celles attendues lors de la venue d’une vieille connaissance qu’on n’avait pas trop envie de revoir, avant de laisser la place aux invectives en tout genre. Le moche bourdon étant les yeux des bataillons de flics au sol, on sait d’ores et déjà que la fin de journée sera mouvementée. Au bout de l’avenue, Verdier est bloqué. Devant la Préfecture, les forces de répression forment un cordon protégeant un château-fort qu’il n’ont pas su bien défendre la semaine passée. Un peu plus loin, quelques effluves de lacrymos voletant dans l’air n’annoncent rien de bon. Retour ligne automatique
Et, effectivement, de retour au Capitole, la musique change. Postés à l’angle de la rue du poids de l’huile, les flics allument la place aux gaz. Une bonne dizaine de cartouches dressent un brouillard funèbre devant la mairie, obligeant la foule à reculer. Les bistrots n’ont pas encore eu le temps de rentrer les terrasses. Au bout de 30 secondes la dispersion est effective mais laisse un camarade au sol qui sera rapidement pris en charge par les street-medics et grâce à la solidarité. Le cortège se replie vers la rue Romiguières, celle du Taur étant gardée par les cerbères de l’Etat. Tout le monde trace ensuite vers la Daurade.

Le pouvoir n’a toujours pas compris que, plus il essaiera de faire peur, plus il essaiera de lancer la discorde dans le mouvement, bref, en faisant dans la surenchère sécuritaire, il ne fera que renforcer la cohésion et la détermination des Gilets Jaunes. L’acte IX, avec ses presque 20.000 participants à Toulouse, a encore une fois été marquée par une répression qui ne cesse de croître. Plusieurs camarades seraient resté.e.s sur le carreau sans la solidarité et la cohésion qui sont en train de se construire dans le mouvement.

Ce qu’on n’attendait plus # 9

Aux errances sémantiques, la République reconnaissante…

A ceux/celles qui pensent encore que le régime autoritaire dans lequel nous venons de plonger n’est pas comparable à celui d’une dictature, qui s’amusent à faire des comparaisons avec la Corée du Nord, le Yémen ou l’Irak, comment définir un système politique permettant d’élire à minima un président pendant cinq ans ayant la main-mise sur le parlement, sans aucune possibilité de révocation, ne prenant même pas la peine d’écouter ce que le peuple a à lui dire, dont la seule réponse est l’envoi de blindés, de régiment de flics qui allume tout le monde sans sommation et qui établit une justice d’exception ?

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