Ce qu’on n’attendait plus # 7

Un bon mois que cela dure. Ce n’est peut-être pas l’insurrection dont tout le monde rêvait mais, dans tous les cas, ça aura permis pas mal de choses : parler avec des gens qu’on n’a pas l’habitude de côtoyer dans les manifs, permis qu’ils se rendent également compte du traitement qu’en fait habituellement la presse, permis que le regard de certaines personnes change à l’égard des luttes et la manière pour les aborder.

Cette manif des GJ est un gigantesque fourre-tout parce qu’elle émane réellement du peuple, de personnes qui arrivent là avec leurs idées, diverses et variées. Au delà de ce qu’on peut y trouver, elle a pour elle la fraîcheur des mouvements auto-organisés en dehors des balises consensuelles des syndicats ou des partis politiques. Ce n’est évidemment pas une raison pour tout accepter sans broncher ni, au contraire, pour envoyer tout valdinguer sous prétexte que certaines revendications et éructations chient un peu trop à l’oreille. Effectivement, et bien qu’on évite le plus possible le retour des médias et du gouvernement, minimisant les événements mais appuyant là où ça fait mal, manière pour eux de savonner la popularité du mouvement pour tenter de restaurer la paix sociale (traduction : continuer à faire comme avant), il est difficile de fermer les yeux et de se boucher les oreilles sur les vieux relents antisémites/homophobes qui parsèment parfois toute éruption populaire. Celle-ci ne déroge pas à la règle et se dire qu’on a des points communs et des possibilités de convergence avec les personnes tenant ce type de raisonnement est un peu dur à avaler et nous mettrait presque face à un dilemme. Soit on reste et on accrédite la version de l’Etat disant plus ou moins que l’ultra gôooche est l’alliée de l’ultra drouate, soit on se dit que finalement c’est insupportable et que nous devons attendre une insurrection de « meilleure qualité ».

Il me semble que c’est pourtant une occasion rêvée, sinon de se l’appropier, du moins d’en profiter et d’avancer clairement ce que nous pensons et qu’il n’y aura aucune concession en la matière. Soyons clairs. Je comprends aisément ceux ou celles qui ne s’y retrouvent pas. Moi le premier, quand j’entend la Marseillaise, je m’interroge sur ma présence. Il est toujours simple de laisser tomber. Mais d’un autre côté il y aura toujours de bonnes raisons pour ne rien faire. On trouvera toujours un prétexte pour ne pas intervenir dans un conflit, à ne pas le trouver assez « pur », assez fidèle à nos aspirations. Et, sans vouloir culpabiliser personne, il est assez confortable de se dire que, finalement, ce n’est pas encore le moment et continuer à rester bien au chaud dans le canapé parce que cette révolte n’est pas assez bien pour nous. Et tant pis si le mouvement des GJ pourrait offrir une caisse de résonance sans pareille à nos luttes et à nos revendications, constituant peut-être une occasion de sortir quelque peu de l’ornière dans laquelle on se plait à rester.

Par-dessus tout, à ceux qui avaient besoin d’un dessin, cette mobilisation aura également permis que se révèlent les visages de ceux qui nous gouvernent derrière leur masque de premier de la classe. A voir l’incroyable violence opposée aux revendications des Gilets jaunes, on peut se dire que l’on a tapé juste, que la place est très bonne et que le gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour la conserver. Elle permet surtout de montrer que les sempiternelles rengaines sur le vote comme moyen d’expression ne tiennent pas et que, finalement, un peuple en total désaccord avec le gouvernement n’a aucun outil légal dans la Constitution pour lui en faire part. Envoyer des cars de flics contre des personnes qui manifestent, appliquer des peines exemplaires à l’encontre des personnes interpellées, infliger des blessures irréversibles dont tout le monde peut se faire l’écho, tout est fait pour inciter les gens à rester chez eux et laisser les riches s’occuper de politique à leur place, bref, à museler toute liberté d’expression. Tout simplement.